Eau de rose? Voila une expression que vous n’avez pas l’habitude de voir ici. Cela ressemblerait trop à une forme de critique, un truc péjoratif et un peu dédaigneux que l’on n’utilise pas quand on parle de romance. Et critiquer la romance, moi? Inconcevable… On ne passe pas sa vie à défendre un sujet pour se tirer une balle dans le pied, normalement.
Pourtant, comment mieux répondre aux critiques qu’en en faisant la critique soi-même (cela devient compliqué, attention). Et cela faisait longtemps que nous ne vous avions pas fait un petit article de Science de la romance. Alors, en écho à l’article de Perséphone (récemment convertie à la romance et revenant, pour mon plus grand bonheur, sur certains des préjugés qui accompagnent le genre), j’avais envie de parler un peu des critiques faites à la romance.
Notre blog fêtera bientôt ses trois ans, c’est peu mais nous en avons dit des choses, depuis. J’ai donc choisi de croire que tout le monde n’était pas allé éplucher l’intégralité des archives, pour retrouver, disséminé un peu partout, tous ce que nous avons pu dire sur le sujet ! (et je ne vous blâme pas, c’est un boulot de dingue, on s’éparpille un peu parfois, dans notre enthousiasme)
Parce que, vous avez du vous en rendre compte, la romance est à la fois le genre littéraire le plus populaire et le moins respecté qui soit. Oui, le plus populaire, pas en France spécifiquement mais dans le monde (je n’ai pas peur des mots – je devrais faire comme Barney et inventer des statistiques mais je n’ose pas – vous devrez donc me croire sur parole). En France, notre « exception culturelle » et un certain snobisme freinent l’essor de la romance, mais, si nous revenons à l’exemple classique de l’Amérique du nord, cela représente plus de 50 % des livres vendus chaque année, toutes catégories confondues, Harlequin vendant plus de 4 livres par secondes, 2 d’entre eux à l’international. Autant dire, une supériorité écrasante qui se répercute dans de nombreux autres pays…
Alors comment se fait-il qu’un genre aussi populaire soit aussi mal vu ? La critique littéraire, supposée se baser sur des arguments objectifs, ignore ce pan entier de la littérature. Au motif que c’est un genre féminin, écrit par les femmes, pour les femmes, à propos de problèmes considérés comme féminins, tandis que l’édition, la critique littéraire, le journalisme sont, aujourd’hui encore, largement dominé par les hommes ? Qui sait… Je n’ai pas la prétention de faire une analyse de société ici mais c’est incontestablement un élément que l’on retrouve souvent.
Mais surtout, le problème autour de la romance vient d’une incompréhension fondamentale autour du genre : les extérieurs, les non-lecteurs, se focalisent sur la fin de l’histoire, au lieu de regarder le fil narratif. Le lecteur chevronné, lui, sait bien que ce qui importe, ce n’est pas le happy-end de rigueur, mais la manière d’y arriver. Et aussi longtemps que cette incompréhension ne sera pas dépassée, la romance continuera à être vue comme un genre caricatural, où la femme est emprisonnée dans les clichés, asservie même si l’on en croit les mouvements féministes, qui voient dans la romance une tentative de rétablir un modèle de société patriarcal et une idéologie sexiste rétrograde où la femme tient un rôle traditionnel.
Ces critiques, que la romance traine comme un boulet derrière elle depuis plus de 50 ans (depuis la première fois que la critique s’y est intéressé en fait, après avoir cessé de dédaigner le roman en général pour se concentrer sur la littérature de genre comme le policier et la science-fiction…), sont fondées sur une généralisation grossière et hâtive, notamment parce trop souvent, elles se basent sur des références ciblées dans le temps et sur un seul sous-genre étendu à tous les types.
Comprenez, il ne faut pas limiter la romance à la old-school des 70′s (genre Passions captives), aux Harlequin que l’on pouvait trouver dans les 80′s (genre SFALO) et même hélas encore aujourd’hui… Ce sont des exemples très spécifiques d’un genre bien plus vaste et, comme partout, il y a toujours eu et il y aura toujours de mauvais livres, mal écrits ou pleins de clichés mal traités. Opération au Kavongo et Satisfaction sont des exemples bien plus récents (allez voir, c’est drôle), cela ne les empêche pas d’avoir été écrits plus de 10 ans après Ain’t she sweet (les 90′s quand même) et au même moment que When beauty tamed the beast.
Comprenez, il ne faut pas limiter la romance à la old-school des 70′s (genre Passions captives), aux Harlequin que l’on pouvait trouver dans les 80′s (genre SFALO) et même hélas encore aujourd’hui… Ce sont des exemples très spécifiques d’un genre bien plus vaste et, comme partout, il y a toujours eu et il y aura toujours de mauvais livres, mal écrits ou pleins de clichés mal traités. Opération au Kavongo et Satisfaction sont des exemples bien plus récents (allez voir, c’est drôle), cela ne les empêche pas d’avoir été écrits plus de 10 ans après Ain’t she sweet (les 90′s quand même) et au même moment que When beauty tamed the beast.
C’est le problème le plus récurrent dans l’étude de la romance aujourd’hui, on regarde les choses par le petit bout de la lorgnette, on lit un livre, parfois deux ou trois, et on considère à partir de là que l’on peut appréhender le genre entier, et même le critiquer.
C’est de cette mauvaise connaissance que viennent la plupart des critiques. Les « experts » se trompent sur les effets que la romance peut avoir sur ses lecteurs, car la définition même d’une romance n’est pas claire pour eux, et confondent trop souvent les clichés inhérents au genre avec une formule qui expliquerait tout.
Même pour les auteurs, lecteurs, et autres habitués de la romance, c’est un genre ancien (on peut remonter jusqu’aux grecs, 3 ou 4 siècles avant Jésus-Christ, si l’on s’en tient au travail d’éminents universitaires comme Pamela Regis sur le sujet), flexible, mal défini. Définir la romance est un exercice auquel je me suis essayé il y a déjà un certain temps, mais ce n’est finalement qu’une proposition, que l’on pourrait résumer ainsi : la narration d’un amour, des obstacles qu’il rencontre et de son triomphe final, avec un focus sur l’émotion entre les personnages. Au fil du temps, cette forme a finalement très peu évolué, seules les manières de la présenter ont changé. Ce qui veut aussi dire qu’il n’y a pas de "fausse" romance, malgré la distinction que nous faisons ici parfois, par facilité éditoriale !
Alors, antiféministe, la romance ?
Au contraire…
Si la critique pense que l’héroïne cherche son identité dans la romance, et que le happy-end, le lien qu’elle tisse avec le héros, est une entrave à l’aboutissement de cette quête de liberté, c’est oublier que toute romance est un schéma narratif, et que tout schéma doit avoir une fin. Le lien est l’aboutissement, et non pas un obstacle à l’indépendance. On pourrait dire que la romance influence les femmes en les poussant à considérer le mariage (ou le lien amoureux en général) comme l’accomplissement de leur vie… Mais si ce lien est l’élément final du schéma narratif, ce n’est certainement par l’élément principal ! On ne lit pas une romance pour découvrir le happy-end, puisque l’on sait déjà qu’il sera présent. On lit une romance pour découvrir le chemin qui y mène, et c’est souvent le fait de s’être libérée, d’avoir gagné son indépendance et trouvé son identité qui permet à l’héroïne justement d’accepter le lien avec le héros.
Sous ses couches de bons sentiments dégoulinants de clichés parfois faciles, la romance, bien loin de vouloir perpétuer des schémas archaïques d’organisation sociale, encourage le féminisme et fait mentir ses détracteurs, arrêtés à une simple généralisation. Au lieu de forcer une image datée des femmes, la romance aujourd’hui la pousse au contraire à se détacher des influences et prenant le contrôle de leur vie et à s’affirmer, à travers le seul genre littéraire où elles sont représentées comme égales à leur partenaire. De grandes ambitions emballées dans du papier rose à paillettes, faites passer le mot à toutes les féministes !
Revenons au début. Pourquoi avoir choisi de parler du genre le plus populaire et le plus déconsidéré ? Pour ça. Pour partager mais aussi pour expliquer, répondre aux critiques. Pour essayer de convertir les foules et apporter une petite pierre à l’édifice, pour réhabiliter la romance. Pour faire gagner le coté rose de la force en fait, selon l’expression chère à T. !
Bonne journée,
Chi-Chi
Tout à fait d'accord, on connait le début, on connait la fin mais c'est le chemin entre les deux qui est important pour moi lorsque je lis une romance ! C'est ce qui me fait vibrer (ou pas d'ailleurs )
Tu as lu l'article des Inrocks de la semaine dernière sur Harlequin ? Ils en sont restés aux clichés de la romance, ça m'a désolée.
Merci pour cet article très intéressant. Je travaille en bibliothèque et suis amenée à défendre ce genre littéraire. Voici de bons arguments. Bonne continuation.
Apres c'est une affaire de talent de l'auteur!
Zut je l'ai raté. Je viens de verifier celui de cette semaine, rien. Tu l'aurais, pour me le preter?
Merci a toi, je suis toujours ravie de voir que l'on peut encore convaincre de nouvelles personnes et les faire revenir sur leur prejugés!
Pour l'article des Inrocks c'était sans sans doute celui-là : http://www.lesinrocks.com/2013/04/27/livres/la-fabrique-de-lamour-11388629/ (En effet focalisation sur les clichés et mauvaise compréhension du genre… dommage ^^)Super article, je suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis. C'est dur de se battre avec les gens qui disent tout simplement "c'est nul" alors qu'ils n'en ont jamais lu… Mais je ne désespère pas je parviendrai un jour à convertir du monde moi aussi ^^ c'est fou comme ce qui est populaire est souvent ce qui est aussi le plus mal vu quand même.
Je suis vraiment flattée! Merci chère Princesse. La romance il n'y a que ça de vrai et encore super article!
very nicely said!!!parfois je suis fatiguée par cette exception française… Mais c'est une autre histoire ^^
Merci pour le lien Elinor, je suis assez attristée par le niveau et la vision hyper-réductrice qui est faite! Mais comme tu dis, il ne faut pas desesperer, les choses évoluent petit à petit!
Mais de rien, jeune Padawan!
Il n'y a pas que l'exception française, le stigmate est moins fort aux US mais il existe quand même un peu, la parité est encore loin!
Moi j'adore les romances et je le crie haut et fort ^^ j'ai encore acheté des Nora Roberts hier ^^ super article les filles
Merci Vivi, et tu as bien raison de dire que tu aimes! C'est à force de s'affirmer que l'on "vaincra"! Quel Nora as-tu acheté?
Très bon article ! :)Pour ma part, je me suis remise doucement à la romance (aaahhh, l'influence des copines…) et j'ai pu voir à quel point le genre est vaste. Est-ce seulement un genre, d'ailleurs ? Pour moi, non, c'est plutôt un "contrat" entre l'auteur et le lecteur : quand un roman est estampillé romance, c'est l'assurance d'une happy-end (et encore, je fais là un raccourci rapide, j'en ai conscience) mais derrière, le roman peut s'inscrire dans plein de genres bien différents. J'ai lu des polars, de la SF, de la fantasy, de l'urban fantasy, de la littérature générale, et bien d'autres genres qui étaient aussi des romances. Et je les ai lus avec un grand plaisir.J'ai aussi eu de très mauvaises surprises, on y échappe pas, de celles qui font bondir et entretiennent les clichés dénoncés dans cet article (désolée, c'était à chaque fois des Harlequin… pourtant récents, mais erk, du coup rien à faire, j'ai vraiment des a priori difficiles à dépasser avec cette maison d'édition précise). Heureusement, ces déboires, je ne les ai pas généralisés à l'ensemble de la romance.Et s'il y a bien une chose dont je suis certaine, c'est qu'en romance, il y en a pour tous les goûts ! Le tout est de fouiner, s'informer, pour trouver ce que l'on apprécie.Personnellement, j'aime pouvoir me faire plaisir avec de jolies romances, surtout entre des lectures rudes. Quand elles sont à mon goût, les romances me permettent de souffler et me redonnent le sourire. C'est déjà pas mal !
Je pense qu'il y a un genre, avec une multitude de sous-genres, mais comme tu dis, on retrouve des éléments de romance dans presque tous les autres genres! Le plus gros souci avec Harlequin, c'est que d'une part, ils ne visent pas le même public que d'autres maisons d'éditions, et d'autre part, les bons auteurs sont noyés dans la masse ahurissante de nouvelles parutions! Enfin, comme toi, je crois que le plus important est de ne pas perdre de vue le facteur plaisir de la lecture!
Tout à fait d'accord!
Merci pour cette excellente réflexion sur un genre souvent moqué! Et merci aussi pour votre blog qui fait découvrir des auteurs anglophones… je me mets (un peu péniblement) à la lecture en VO car certains de vos articles m'ont donné envie. Mon prochain challenge : les frères Turner en VO! Lentement mais sûrement lol.
Merci à toi! Je suis ravie que tu te mettes à la VO tu vas voir que cela devient rapidement de plus en plus facile! Et les frères Turner sont un excellent choix, j'ai justement relu Unclaimed la semaine dernière!
L'article des inrocks : http://www.lesinrocks.com/2013/04/27/livres/la-fabrique-de-lamour-11388629/C'est pitoyable, quand je l'ai lu, je me suis demandée l'intérêt de publier ça
et pourtant, j'aime assez le magazine pour être abonnée, mais là ce sont clichés sur clichés…c'est dommage, surtout après l'excellente enquête de Causette
Même l'article de Causette, j'aurais eu des choses à redire j'avoue… Il était meilleur mais restait encore très en surface! Enfin les Inrocks, c'est juste triste. :/
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