(Réédition du 01/03/2012)
Voici l’heure fatidique du dernier épisode des aventures de la fratrie Turner, Unraveled, et du dernier frère à marier, Smite. Smite qui est doté d’un nom terrible, puisqu’il signifie «châtiment»… Mais comme vous avez lu les tomes précédents, vous connaissez à présent la signification des prénoms de chacun des frères, lourds de symbolisme… Teaser, teaser, je ne veux pas du tout que vous lisiez cette série!
Et Smite est incontestablement celui qui porte le symbole le plus lourd. Les années se sont écoulées, nous avons fait connaissance avec Ash et Margaret, avec Mark et Jessica, mais ce troisième frère reste toujours cette figure énigmatique, venant à la rescousse de ses frères s’ils en font la demande, mais se tenant résolument à l’écart du noyau familial.
Si Ash a pu fuir rapidement l’emprise de leur mère, si Mark était assez jeune pour que le pire lui soit épargné, Smite a subi de plein fouet les brimades et autres «traitements» destinés à sauver son âme perdue, et c’est assurément chez lui que les effets en sont les plus visibles. Smite est donc le prototype classique du héros de romance torturé par son passé. Et pourtant, une fois de plus, l’auteur ne nous présente pas l’ombre d’un homme se lamentant sur son enfance misérable. Elle nous présente un homme complexe mais entier, lucide et volontaire qui n’attend pas son héroïne pour le sauver de son destin tragique.
Le nœud du problème familial est d’ailleurs là. Mark est très proche de Smite, ils ont vécu beaucoup d’épreuves ensembles, tandis que de son coté, Ash voudrait soulager sa culpabilité d’être parti et réparer le mal qui a été fait, alors que Smite considère qu’il n’y a rien à réparer. Il n’est pas « cassé ». Les conversations entre ces deux-là sont un témoignage poignant des relations entre frères, et d’une volonté farouche de consolider le lien qui les unit, malgré tout.
Je ne sais pas si j’ai assez insisté sur la relation entre les frères dans mes articles précédents… Car en dépit de tout, il existe entre ces trois-là une affection profonde, un lien indescriptible que l’on ne trouve que trop rarement en littérature, et surtout en romance, qui se concentre principalement sur la relation héros/héroïne. J’apprécie d’autant plus les romans où l’auteur sait parler d’amitié autant que d’amour, les deux allants souvent de pair. Et si les amitiés féminines sont un peu rares (ce qui tient surtout au statut de chacune des héroïnes), l’amitié entre Ash, Mark et Smite occupe une place importante. Et c’est pour mieux apprécier le développement de ce lien que je ne peux qu’insister encore une fois en vous recommandant de ne pas lire cette série dans le désordre ! Si vous n’aurez pas de mal à comprendre les histoires individuellement, vous risqueriez de passer à coté de cet aspect fraternel qui se forge lentement au fil des tomes…
Mais revenons à Smite, magistrat à Bristol. Il a bien mérité son surnom de «Lord Justice», tant il semble marié à son métier, entièrement dévoué à sa mission et férocement déterminé à poser sa marque dans le monde, en faisant une différence, aussi minime soit-elle, dans la vie de ceux qui se retrouvent devant lui. Il écoute, il prend le temps, il ne considère jamais que le pauvre sera coupable du simple fait de sa pauvreté.
C’est un homme plein de principes, et c’est devant lui que Miranda Darling doit se présenter un jour, sous un faux nom, une fausse apparence. Mentir et se parjurer donc. Et ce n’est pas la première fois… Mais Miranda n’a pas le choix, elle est fille d’acteurs, vit de petits boulots et a chèrement acheté sa sécurité dans les quartiers malfamés de Bristol en prêtant allégeance au Patron de la mafia locale.
L’inconvénient étant que Smite, en plus d’être impitoyable, est doté d’une mémoire à toute épreuve et qu’il n’est pas un instant dupe de la comédie que Miranda essaye de lui jouer. Bien décidé à mettre les choses au clair, il la suit à la sortie de la salle d’audience… Quand à ce qui arrivera par la suite, je vous laisserai le découvrir.
De fil en aiguille s’établit entre ces deux-là une relation étrange, faite de petits services et de relations ambiguës. Les liens entre Miranda et le Patron ne leur faciliteront pas la vie, l’intransigeance de Smite non plus… Là encore, Courtney Milan fait de ses personnages des êtres capables de réflexion, capables de confiance mutuelle, qui se serrent les coudes dans l’adversité au lieu de se dresser l’un contre l’autre.
Si Smite est moins original que son frère Mark avant lui (ne mentez pas, je sais que l’idée du héros vierge a éveillé plus d’une curiosité), il vaut plus que le détour, et je vous laisserai découvrir le chemin que devront parcourir ensemble ces deux-là, avec un mot de conclusion sur la série elle-même.
J’ai dévoré les trois tomes en moins d’une semaine, et je suis définitivement conquise, j’ai eu autant de mal à quitter les Turner que les Hathaway en leur temps. Chacun des livres est de qualité égale à mes yeux, ce qui dans une série, est assez rare pour être souligné, et j’ai été séduite, tant par la plume de l’auteur, qui sait faire preuve d’un humour sarcastique sans jamais sonner faux ou forcé, que par la richesse de ses personnages, tous un peu abîmés par la vie mais tous assez forts pour ne pas laisser leurs traumatismes influencer leur vie entière, et enfin par le fait que ces histoires ne se déroulent pas dans les salons dorés de l’aristocratie mais mélangent les milieux sociaux et nous ouvrent une fenêtre (bien documentée) sur d’autres aspects de la société anglaise et du début de la révolution industrielle.
Deux autres livres de Courtney Milan attendent sagement dans ma PAL, je ne manquerai pas de vous tenir informés, puisqu’elle fait maintenant officiellement partie de mes auteurs « must-read » !
Excellente lecture,
Chi-Chi