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Aujourd’hui, deux livres, et deux livres que vous n’allez pas vouloir lire, laissez-moi vous le dire.
Deux livres lus tout récemment et deux livres écrits tout aussi récemment, avec un détaillounet de rien du tout qui m’a donné de folles envies de rage et abandonner le livre aussi vite.
Dans ces moments-là, je ressens cruellement l’inconvénient majeur de la technologie qui me fait lire sur kindle ou sur mon téléphone : je ne peux pas me défouler sur le livre et le jeter sauvagement contre un mur, voir à la poubelle, comme cela m’est arrivé très exceptionnellement (je le jure), je ne peux pas le tordre entre mes mains crispées pour le faire souffrir !
En revanche, ce que je peux faire, c’est envoyer des textos enragés à T. (oui, la rage est le motif de cette chronique), et me demander COMMENT un auteur peut encore écrire une c*** pareille aujourd’hui !!!
(T. est en train de sauter au plafond, j’ai dit une grossièreté)
(Elle ne va plus jamais vouloir m’écouter)
(Mais attendez, vous allez comprendre, et dites-moi si vous n’êtes pas d’accord !!!)
Le premier livre, c’est Bridesmaid de Julia London.
Sa nouvelle toute fraichement sortie, un road-trip pour cause de grève aérienne avec un parfait inconnu, tout pour me plaire dans le synopsis et une auteur que j’aime bien d’habitude. Jamais le top du top mais un moment agréable, et c’est déjà beaucoup. Donc, notre héroïne, Julie, Karen, Kate, je ne sais plus trop (Kate je crois) (oui, c’est ça, Kate), se retrouve dans l’avion à côté du beau Joe. Une tempête plus tard, leur avion de New-York à Seattle se pose à Dallas. Vérifiez sur une carte, ce n’est pas du tout le chemin. Il y a urgence car Kate se rend au mariage de sa meilleure amie avec une robe de demoiselle d’honneur à crinoline couleur pêche, dans sa house géante rose fuchsia, et que la mariée est complètement névrosée. Joe est pressé aussi, le job de sa vie l’attend. Bref, spoilers à tous les étages, ils finissent par partager une voiture, un train, et une chambre d’hôtel. Et ce qui devait arriver arriva, ils se sautent dessus comme des lapins. Ils se connaissent donc depuis 36h à ce moment-là, et à aucun moment, d’aucune façon que ce soit, l’auteur n’évoque la question du préservatif. Ni MST, ni grossesse, rien. Si la scène avait été suggérée, j’aurais pu croire que c’était une ellipse, mais non. Moult détails et rien. Ni avant, ni après. A aucun moment de l’histoire n’est évoquée cette possibilité très réelle que peut-être c’est légèrement inconscient d’agir ainsi.
Et moi, cela me met en rage.
L’histoire se finit bien, bla bla bla, ils vécurent heureux, et moi j’ai un ulcère à l’estomac rien que d’y repenser.
Madame Julia London, c’est une omission impardonnable, surtout de la part d’une auteur aussi expérimentée !
Quant au livre suivant, je vous le dit tout net, je ne l’ai même pas terminé. On me l’avait recommandé, vendu comme quelque chose de très sweet, une histoire new adult mélangée de small town romance : Small town girl de Jessica Pine.
L’héroïne, Lacie, végète dans sa petite ville de province, où elle aide son papa à vendre des antiquités en attendant de réussir à payer son emprunt étudiant. Parce qu’elle a un diplôme en poésie anglaise, et que si vous voulez mon avis cela a l’air encore plus utile qu’un diplôme d’art floral japonais, vu ce que Lacie essaye d’en faire…
Donc, Lacie végète et s’ennuie, et quand sa meilleure copine, mannequin à New-York, vient passer le week-end et lui propose d’aller en boite, elle se laisse déguiser en fille de petite vertu (j’essaye de rattraper mes mots osés de tout à l’heure) et se retrouve dans un bar over-branché où sa provincialitude ne passe pas du tout inaperçue.
Résultat, elle se planque dans un coin, se fait aborder par un type qui a l’air nettement moins propre sur lui que les autres (il porte un tee-shirt, imaginez l’horreur et la décadence), et se laisse convaincre pour un petit quickie dans la voiture, sur le parking de la boite.
Glamour non ? Vous devinez le moment où je vais devenir hystérique ?
Gagné, Lacie ne pense pas une seconde à se protéger. Avec un mec rencontré 5 minutes plus tôt en boite de nuit. Et cette espèce de DEBILE nous gratifie le lendemain (au-delà des détails de sa gueule de bois), d’un petit monologue qui atteint de tels summums de stupidité que je ne peux pas m’empêcher de vous le mettre tel quel ici :
« The worst part was than I didn’t regret it nearly as much as I should. (…) It kept coming back to me in pieces – a frantic scramble of hands and tights, the smoky taste of his mouth, the high-schoolish way he’s said “It’s okay – I’m clean”, which was as deep a discussion of safe sex as we’d had. I knew it was stupid as hell but everyone else did it, didn’t they? And they got away with it, so why shouldn’t I?”
Et là, c’était terminé pour moi. Au-delà du fait que l’évocation du souvenir n’a rien de sexy (une ruée de mains et de cuisses, le gout fumé de sa bouche, sérieusement ??!), il y a cette phrase d’une bêtise sans nom qui a fait que je n’ai pas pu continuer. Rien, absolument RIEN n’aurait pu sauver ce livre et ma tension artérielle était devenu bien trop élevée, je n’ai pas envie de mourir pour la science moi, madame.
Tu as raison cocotte, tout le monde passe à travers les mailles du filet. Toutes les gamines enceintes à 17 ans le sont par volonté murement réfléchie et les gens qui ont une MST l’ont bien cherché. Limite, ils ont dû sélectionner leur partenaire sur cette base.
Parce qu’après tout, si tout le monde le fait, pourquoi pas toi.
Pour ton information, ma chérie, d’après les chiffres de l’OMS, 16 millions de jeunes filles de moins de 19 ans tombent enceintes chaque année, 3 millions d’entre elles se font avorter, je pense que tu peux estimer sagement que si elles ne gardent pas le bébé, elles ne l’ont probablement pas voulu (et c’est sans compter celles qui le gardent parce qu’elles n’ont pas le choix, quelles qu’en soient les raisons). Quant aux MST, 499 millions de nouveaux cas chaque année rien que pour les maladies guérissables ! Or il existe plus de 30 maladies de ce type, et parmi les 8 les plus répandues, 4 sont inguérissables (et je ne vous donne pas les chiffres pour celles-là), d’autres sont asymptomatiques, en dépit des conséquences graves qu’elles peuvent avoir sur la santé à long terme. Prendre le risque d’en attraper une me parait donc être une idée lumineuse… Une petite hépatite en cadeau de Noël, le VIH pour votre anniversaire, non, vous en pensez quoi ?
Donc, je rage, j’abandonne le livre, et je m’interroge. Je ne sais pas vous, mais j’ai commencé à lire des romances très jeune. Vers 13 ans. Les romances ont joué un grand rôle dans mon éducation, dans ma manière de voir les relations intimes, et je sais pour en avoir souvent parlé avec des copines lectrices que je ne suis pas la seule. Est-ce que si j’avais lu une chose pareille à 13 ans, ou même 14, 15 ou 16, pourquoi pas à 25, je ne me serais pas mis en tête que c’était acceptable de ne pas me protéger ? Quel que soit l’âge du lecteur, il n’y aurait pas une responsabilité de l’auteur de ne pas écrire des âneries pareilles ?
Une responsabilité générale à toute personne de ne pas laisser se propager ce cliché plus qu’éculé qui veut que l’on peut se faire confiance, après tout, on est dans une romance ? La prolifération des historiques et du paranormal dédouane souvent les auteurs de ces considérations de santé publique (et je ne vous dis pas que c’est une bonne chose mais je choisis mes batailles aujourd’hui), mais en romance contemporaine ? Quand l’idée générale est justement de mettre en scène des situations du quotidien ? Et dans les situations évoquées ici, c’est plus un exemple d’inconscience que de confiance…
La situation du quotidien laisse penser que l’on peut sans danger faire n’importe quoi. Et parce que c’est une romance, tout finira bien. Mais la fiction doit refléter la réalité un minimum : on ne met pas dans l’esprit des lecteurs l’idée que l’on peut coucher avec quelqu’un sans que cela prête à conséquence ! Je milite pour la responsabilisation des héroïnes de romance, et des femmes en général.
La réalité n’est pas une romance, on peut tomber enceinte d’un coup d’un soir, ces femmes ont pourtant bien du avoir des cours d’éducation sexuelle sur les oiseaux et les abeilles, les choux et les roses, la cigogne, etc… Elles ne peuvent pas plaider l’ignorance, quand aux MST, il faut donc encore et toujours rappeler que « rien n’a craindre » ne vaut pas un test de dépistage ? Et combien de personnes se retrouvent chaque années affectées sans le savoir, parce qu’elles n’ont pas conscience de s’être mises en danger, parce qu’elles ont fait confiance à une personne elle-même infectée sans le savoir, parce qu’elles sont asymptomatiques et n’ont pas conscience d’infecter d’autres personnes ?
On ne le répètera jamais assez, la meilleure défense contre ces risques est la prévention !!! Et autant ne pas voir la question abordée dans une romance du début des années 90 me semble gênant mais compréhensible (opinion publique encore peu sensibilisée, etc., admettons), autant c’est une erreur inadmettable (oui, parfaitement, inadmettable) pour moi aujourd’hui, après les grandes campagnes mises en place par les ONG, avec les moyens médicaux dont nous disposons en Occident !
Vous l’aurez compris, je ne vous conseille pas ces livres, mais à votre avis, inadmettable, inconscient, irresponsable, carrément criminel de la part des auteurs ? Surtout que ce ne sont que des exemples, d’un travers que l’on retrouve hélas trop souvent… Alors pour vous, il y a une responsabilité de l’auteur ou c’est de la fiction, on s’en fiche ?
Pour moi, en tout cas, c’est au moins une belle occasion perdue d’aider justement à une cause importante… Et une grande source de rage qui fait que le livre pourra être excellent par ailleurs, je ne le recommanderai pas. Une femme informée est responsable, c’est une femme qui reste maitresse de son destin, c’est une pierre apportée à la cause, et on vous l’a déjà dit, la romance est féministe. Quand elle est bien faite. Ce qui n’est clairement pas le cas ici !
Love,
Chi-Chi